Il pliait son pantalon avec un soin méticuleux qui la fit sourire. Elle ne pouvait le savoir encore, mais ce serait l’image qu’elle garderait de lui toute sa vie.

 

Quel âge pouvait-il avoir ? Vingt ans ? Même pas. Encore un gosse. Dix-huit peut-être ? Maigre, la peau si blanche, mais avec une élégance naturelle dont, à l’évidence, il ignorait tout. Un beau jeune homme, à l’aspect fragile, et qui semblait sorti d’une autre époque. On avait envie de le protéger, et elle fut parcourue d’un chaud désir de le serrer dans ses bras.

 

Il ne lui avait fallu qu’un regard circulaire pour se rendre compte que sur la plage, tous les hommes, jeunes ou vieux, portaient des shorts de bain. Il n’y avait que lui et quelques enfants pour avoir un maillot. Il se sentit ridicule et se demanda si la femme allongée sur la serviette derrière lui continuait de le dévisager. Quel âge pouvait-elle avoir ? Vingt-cinq ans ? Peut-être plus. Brune, les cheveux très courts, elle était mince, mais avec des formes pleines. Il brûlait d’envie de la regarder encore. Il observa la mer, le ciel puis, l’air de rien, revint vers le sable.

 

Elle replongea vivement ses yeux dans son livre quand leurs regards menacèrent de se croiser. Elle fit retomber ses lunettes de soleil sur son nez, et devina sa silhouette qui s’éloignait vers l’eau.

 

Il faisait beau et chaud, elle avait de la chance pour cette semaine de fin août à Dinard. Elle était partie sur un coup de tête, avait soudain eu besoin d’une semaine à elle pour faire le point. Marcher, lire, dormir… Et se faire couper les cheveux à la garçonne, dès son arrivée ! Un break, seule, à l’orée de son trentième anniversaire. Elle était arrivée l’avant-veille et commençait à se détendre.

 

Elle redressa un peu le buste et chercha le jeune homme du regard.

 

Il avait de l’eau jusqu’à mi-cuisse.

 

Elle sourit à son air égaré.

 

Le ciel était limpide cet après-midi au-dessus de la plage de l’Écluse, et elle eut plaisir à étaler de nouveau de la crème solaire sur sa peau chauffée par le soleil.

 

Le lendemain matin, il traîna au lit, y termina le roman qu’il avait entamé dans le train puis décida d’aller en ville, peut-être de s’acheter une gaufre, ou bien seulement de marcher sur la digue, du côté de la pointe du Moulinet. Il avait trouvé l’eau glacée, la veille, mais la mer était si belle qu’il se sentait capable de la contempler pendant des heures.

 

Il n’avait pas l’habitude d’occuper son temps : du plus loin qu’il se souvienne, il avait tant travaillé que les journées avaient toujours été pleines. Même en vacances, son père s’arrangeait pour louer un piano. Ce n’était que le deuxième jour de sa semaine à la mer, et déjà, il sentait la culpabilité le quitter. Ne rien faire avait du bon, finalement.

 

Il dévala les marches pour embrasser sa tante avant de sortir. Même s’il ne la connaissait que depuis peu, il appréciait beaucoup cette femme, sa franchise, sa simplicité, tout ce qui la différenciait tant de son père.

 

Il s’immobilisa au moment de pénétrer dans la boutique en voyant la cliente qui était en train d’essayer un chapeau couleur chocolat.

 

Acheter des vêtements dont elle n’avait pas besoin faisait partie du programme de détente. Elle avait ses habitudes dans une boutique spécialisée dans les pulls, vestes, impers et chapeaux irlandais, une élégance un peu rude qui lui convenait bien et s’accorderait parfaitement à sa nouvelle coupe de cheveux. La fin août, en Bretagne, avait déjà des parfums d’automne et donnait des envies de motifs écossais et de toiles huilées.

 

La femme qui tenait le magasin n’avait pas loin de soixante ans, petite et robuste, aux cheveux courts et gris, les yeux très bleus et le regard perçant. Elle ne poussait pas à l’achat, savait être présente sans être pesante, mais adaptait si bien ses conseils à chacune de ses clientes qu’elles dépensaient dans sa boutique des fortunes sans même s’en rendre compte.

 

Émeline était en train d’essayer un chapeau imperméable de marque Barbour quand elle vit le jeune homme blond de la plage traverser la boutique en fixant ses pieds, puis embrasser la propriétaire des lieux. Leurs regards se croisèrent tout de même avant qu’il ne sorte et il la salua timidement.

 

- Lambert, mon neveu, indiqua la commerçante en réponse au regard interrogateur de la cliente.

 

- Je ne l’ai encore jamais vu ici.

 

- On a fait connaissance la semaine derrière, à l’enterrement de mon frère.

 

- Je suis désolée.

 

- Nous étions fâchés depuis vingt ans, pour une bêtise. Je ne connaissais pas son fils. Je me suis dit qu’il était temps.

 

- Il a quel âge ?

 

- Dix-sept ans.

 

- C’est jeune… pour perdre son père.

 

- Un garçon brillant, dit la tante. Bac avec un an d’avance, Premier prix de piano du Conservatoire de Paris. Il participe à des concours internationaux… Mon frère était un musicien raté qui a épousé une grande violoniste et poussé son fils dans la même voie. Le gosse reste huit jours ici, pour qu’on fasse connaissance ; sa mère est en tournée avec son orchestre. Ça a été toute une histoire pour le convaincre, pas parce qu’on ne se connaît pas, mais parce qu’il ne voulait pas passer une semaine sans travailler son piano ! Vous me croiriez si je vous disais que ce sont ses premières vacances à la mer ?

 

Au souvenir de son allure la veille sur la plage, Émeline était toute prête à la croire.

 

- À l’écouter, poursuivit la commerçante, il n’a jamais rien fait d’autre que travailler sa musique ! Si : lire, aussi. Il est sérieux comme ça devrait être interdit à son âge.

 

L’après-midi même, Lambert retourna à la plage et repéra la femme à l’exact emplacement de la veille. Son cœur se mit aussitôt à cogner. Il hésita, mais se déchaussa finalement.

 

Quand elle le vit arriver, elle comprit qu’elle avait espéré le revoir et n’était revenue à la plage que dans ce but.

 

Elle lui sourit alors qu’il cherchait un emplacement pour poser ses affaires.

 

- Ce matin, dans la boutique ! lui précisa-t-elle en comprenant qu’il ne la reconnaissait pas.

 

Il resta un instant indécis et, comme contraint, posa sa serviette près de la sienne. Il s’assit, tout habillé.

 

- Ça fait des années que je fréquente la boutique de votre tante, dit Émeline.

 

Le jeune homme lui sourit poliment. Après un moment de silence, elle lui demanda s’il ne se baignait pas aujourd’hui. Il marmonna quelque chose qu’elle ne put comprendre et elle se leva vivement.

 

- Moi j’y vais ! Vous me rejoignez ?

 

Elle n’attendit pas sa réponse et il ne la quitta pas des yeux alors qu’elle marchait vers la mer d’un pas à la fois vif et assuré.

 

À la différence de la veille, elle portait un deux pièces dont la culotte révélait le bas moins bronzé des fesses.

 

Il la vit entrer dans l’eau sans l’ombre d’une hésitation et s’éloigner vers le large d’un crawl impeccable.

 

À quoi je joue ? se demanda-t-elle.

 

L’eau était à dix-huit degrés, grand maximum. Elle ne se baignait jamais en Bretagne, estimant que c’était une activité masochiste passé dix ans, et claquait des dents tout en espérant que Lambert la suivait toujours du regard.

 

Quand elle remonta à sa serviette, s’efforçant de ne pas frissonner même si la chair de poule courait sur sa peau, il n’avait pas bougé.

 

- Elle est bonne, mentit-elle pour dire quelque chose.

 

- Je l’ai trouvée glacée hier, répondit le jeune homme.

 

Émeline se sentit bête et ajouta :

 

- Question d’habitude… Votre tante m’a dit que c’était la première fois que vous veniez à Dinard ?

 

-  Oui.

 

Il n’ajouta rien et elle s’allongea sur sa serviette, se demandant si c’était par pudeur qu’il restait habillé.

 

Il s’en voulait de ne pas avoir pensé à s’acheter un short de bain, non qu’il ait la moindre envie de se baigner, mais pour, au moins, ne pas être la seule personne en jean sur la plage. Déjà qu’il n’avait pas été capable d’aligner plus de trois mots de suite !

 

Elle s’était allongée sur le ventre, sans se sécher. Des gouttes d’eau de mer perlaient sur sa peau brune. Lambert la trouvait magnifique et essaya de ne pas garder ses yeux trop évidemment braqués sur elle.

 

Au bout de dix minutes, elle se retourna et il soupira en voyant son ventre se creuser quand elle mit ses bras en arrière pour glisser ses mains jointes sous sa nuque.

 

 *** 

 

Elle pensa beaucoup à lui le reste de la journée et peina, une fois couchée, à se plonger dans le nouveau roman qu’elle avait entamé.

 

Il ferma son nouveau roman après avoir lu dix fois la même ligne sans en comprendre le sens. Il était impatient d’être au lendemain, mais incapable de trouver le sommeil.

 

Elle s’acheta finalement le chapeau chocolat, essaya de nombreuses tenues qu’elle ne comptait pas acquérir. Le jeune homme ne se montra pas dans la boutique.

 

Il essaya une dizaine de modèles de shorts, trouvant l’un trop strict, l’autre trop excentrique…

 

Il arriva à la plage plus tôt que les autres jours et, laissant ses affaires à la place habituelle, alla sans tarder se mettre à l’eau en espérant avoir le temps de s’habituer à sa température avant l’éventuelle arrivée de la femme.

 

Il sursauta quand elle lui dit :

 

- Vous voyez qu’on s’y habitue, finalement !

 

Il ne l’avait pas vue approcher alors qu’il n’avait pourtant cessé de surveiller la plage.

 

-  À la température de l’eau ! précisa-t-elle comme s’il n’avait pas compris à quoi elle faisait allusion.

 

Il se détesta de se comporter en parfait demeuré.

 

Elle aimait son air perpétuellement ailleurs, comme tombé du nid.

 

Le matin même, après son petit-déjeuner, elle avait longuement regardé le piano qui trônait au salon. Elle n’y connaissait rien en musique et savait juste qu’il s’agissait d’un quart de queue de marque Pleyel. Il était dans la famille depuis des lustres, parfaitement entretenu par sa cousine Adèle qui habitait la maison dix mois sur douze, fuyant la station balnéaire dès l’arrivée des premiers vacanciers. Elle avait soulevé le couvercle du clavier et égrené quelques notes en formulant mentalement les phrases qu’elle s’entendit prononcer à Lambert alors qu’ils entraient tous deux dans l’eau jusqu’à la taille.

 

- Votre tante m’a dit que vous étiez musicien… Pianiste, je crois ?

 

Il se contenta d’acquiescer.

 

- Je n’y connais rien en piano. Il y en a un à la maison. Enfin la maison où je passe la semaine… Je crois qu’il est accordé. Si vous vouliez répéter dessus… ?

 

- Heu… Oui, pourquoi pas !

 

Il tentait de cacher sa surprise et sa joie, affichant un calme détachement, et comprit qu’il y réussissait trop bien quand la femme ajouta :

 

- Vous n’êtes pas obligé, bien sûr…

 

- Si, si ! dit-il précipitamment.

 

- Après tout, ce sont vos vacances…

 

- J’aimerais beaucoup, je vous assure ! C’est très gentil à vous de me le proposer…

 

Il fut rassuré de la voir sourire.

 

- Votre tante m’a confié que vous étiez ennuyé de ne pouvoir travailler votre instrument pendant cette semaine à la mer…

 

Deux gamins hilares se jetèrent dans l’eau en courant, éclaboussant tout autour d’eux, dont le dos de Lambert qui était encore sec — seuls ses doigts de pied commençaient à s’habituer au froid.

 

Elle adora le temps et les précautions qu’il prit pour se changer, dissimulé par sa serviette de bain avec la pudeur d’un enfant.

 

Il fut mortifié par sa maladresse, empêtré dans sa serviette pour cacher son trouble et son désir tandis qu’à ses côtés, elle se changeait en deux temps et trois mouvements élégants.

 

S’en sentant un peu coupable, mais pas trop, elle s’arrangea pour que sa serviette glisse une ou deux fois et révèle au jeune homme les parties encore blanches de sa peau.

 

Ils remontèrent en silence de la plage par l’étroit escalier qui longeait la Villa Reine Hortense. Lambert réfléchissait à ce qu’il allait jouer, quelque chose qui puisse l’impressionner sans être trop démonstratif. Liszt s’imposait. Saint François de Paule marchant sur les flots, et sa somptueuse montée en puissance.

 

Le piano était un bel instrument qui avait sans doute une centaine d’années. Il joua quelques mesures et sourit à la femme pour lui signifier qu’il était bon. Le son était rond, le touché confortable. Elle s’assit à ses côtés sur le banc deux places recouvert de velours pourpre.

 

Elle fut stupéfaite de voir à quel point il devenait un autre une fois assis au piano. Le jeune homme chétif et maladroit de la plage devenait un homme sûr de lui qui dégageait soudain une assurance tout aussi, sinon plus, séduisante que la fragilité qui avait d’abord attiré son attention.

 

Quand il eut plaqué les derniers accords tonitruants, il garda un instant les yeux fermés. Il aurait voulu que cet instant ne cesse jamais, que le temps se fige, que la force que la musique avait insufflée en lui ne le quitte pas et lui donne le courage d’embrasser celle qui se tenait à ses côtés.

 

Une fois le morceau terminé, il sembla aussi égaré que deux jours plus tôt sur la plage. Il était essoufflé, une mèche collée par la sueur sur le front. Elle n’osait bouger, de peur de rompre le charme. Enfin, il rouvrit les yeux et se tourna vers elle pour la regarder comme s’il la voyait pour la première fois.

 

Elle ne put se retenir de poser ses lèvres sur les siennes.

 

***

 

Elle le contemplait, allongé nu sous le drap blanc. Il dormait sur le ventre, comme un bébé, poings serrés. Une brise légère agitait le rideau à la fenêtre entrouverte et elle entendait les sons caractéristiques de la plage en été, ressac et cris d’enfants mêlés.

 

Août s’achevait. Bientôt, la plage serait clairsemée et les volets des villas resteraient clos. Elle rentrait demain et avait décidé de partir par le premier train ; elle avait déjà réservé le taxi pour se rendre à la gare de Saint-Malo. Elle ressentait ce mélange de regret et d’impatience du dernier jour de vacances, cœur serré autant par la tristesse de repartir que par la hâte de retrouver sa vie normale.

 

Il était réveillé depuis longtemps, mais retardait le moment d’ouvrir les yeux. Il sentait la présence d’Émeline à ses côtés et, depuis cinq jours qu’elle lui avait ouvert ses bras, savait ne plus rien avoir à espérer de plus de l’existence.

 

Il était censé repartir le lendemain, mais n’en avait aucune envie. Il voulait que ces vacances ne s’arrêtent jamais, qu’elles deviennent sa vie.

 

Ces huit jours lui avaient fait du bien, tout comme cette aventure avec Lambert. C’était la première fois qu’elle trompait Marc. Elle s’en sentait troublée, mais pas coupable. Se comporter pendant quelques jours comme une adolescente amoureuse, mais avec le recul de l’âge adulte permettant de le savourer, avait été délicieux. Ne presque pas quitter le lit, se laisser dorloter, redécouvrir les mots d’amour, se sentir désirée… Les vacances idéales, pensa-t-elle avec amusement.

 

Lambert frissonna et ouvrit lentement les yeux.

 

Il était si beau. Plus encore aujourd’hui que le jour de leur rencontre. Il avait changé dans ses bras et elle se sentait fière d’avoir éveillé la passion chez un si jeune homme, d’avoir été sa première amante et le révélateur de l’homme qui était en lui. Se dégageait désormais de sa personne, du matin au soir, l’assurance qu’il n’affichait avant qu’au piano.

 

La nuit précédente, il n’avait pu trouver le sommeil, élaborant en boucle les phrases qu’il allait lui dire. Il voulait vivre avec elle, l’épouser, lui faire un enfant, vieillir à ses côtés. Pour cela, il était prêt à abandonner la musique. Il la suivrait où elle voudrait, adopterait la vie qu’elle désirerait…

 

La peur au ventre, il retint encore ses mots et avança son visage pour l’embrasser, l’enlacer, l’aimer.

 

Elle se laissa faire, ne se souvenant pas s’être sentie aussi bien de toute sa vie.

 

Elle lui fit ses adieux une demi-heure plus tard et lui fut reconnaissante de bien le prendre, de ne pas compliquer la situation avec une sensiblerie qui aurait risqué de gâcher le souvenir des jours qu’ils venaient de passer.

 

En l’entendant parler d’amour de vacances, de retour à la réalité, s’il avait eu la sensation de sa vie qui s’écroule, Lambert avait aussi compris à l’instant qu’il ne servirait à rien de se débattre, de s’opposer à sa volonté, qu’il lui fallait prendre sur lui et se comporter en homme comme il s’était efforcé de le faire depuis leur premier baiser.

 

Avec l’envie de hurler, il avait acquiescé et lui avait souri tristement.

 

Décidément, il était parfait, penserait-elle plus tard. Pas léger non plus, il n’avait pas eu l’air de se moquer de ce qu’elle lui disait, avait froncé les sourcils et avait même eu les yeux qui s’étaient mis à briller. Mais il avait acquiescé, comprenant bien, comme elle, que rien d’autre n’était possible que de refermer cette douce fenêtre temporelle durant laquelle ils s’étaient aimés.

 

Un amour de vacances, délicieux, un cadeau, parfaitement inattendu et qui la ramenait plus forte à sa vie, plus confiante.

 

Elle avait quitté la chambre pour ne pas le voir se rhabiller, ayant peur de trouver cela ordinaire et triste.

 

Ils s’embrassèrent une dernière fois dans la cuisine et elle lui dit « Je ne te raccompagne pas » sur un ton mi-interrogatif mi-affirmatif.

 

Elle eut un fort pincement au cœur en le regardant, de derrière la fenêtre, traverser le jardinet. Puis elle prit son portable, ayant une soudaine envie de parler à Marc, son mari, se demandant comment, seulement huit jours plus tôt, elle avait pu envisager de le quitter. Ils n’étaient certainement plus amoureux comme à leurs premiers jours, mais elle l’aimait, sans aucun doute possible, cette semaine de vacances lui avait permis de le comprendre de nouveau. Il fallait qu’elle le lui dise, vite, et aussi qu’elle se sentait prête désormais à lui donner l’enfant qu’il lui réclamait depuis des mois.

 

Il décrocha à la quatrième sonnerie, le temps pour Émeline de se demander avec une inquiétude amusée s’il allait aimer sa nouvelle coupe de cheveux.

 

Lambert, une fois dans la rue, dut s’appuyer à un mur. Ses jambes tremblaient, le soleil l’éblouissait.

 

Il avait foulé le sol du paradis cinq jours durant, découvrant à la vie, par l’intimité partagée avec Émeline, une profondeur nouvelle et passionnante.

 

Il était incapable de faire un pas de plus. Rien de sa vie passée ne l’avait préparé à une telle douleur. Il avait suffisamment lu de bons auteurs pour savoir que tout finissait par passer, et que l’existence triomphait la plupart du temps. Pourtant, cherchant son souffle dans l’espoir qu’un peu de force lui revienne, au moins de quoi rentrer dignement chez sa tante, il eut la certitude, avec raison, qu’il ne se remettrait jamais de cette semaine à la mer.

     

 

 


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